LE VISITEUR...
C 'est dans un fournil comme celui ci que j' ai passé le meilleur de ma petite enfance ! Boulangers de père en fils mon père et mon grand-père tenaient une boulangerie dans une ville du département de la Charente-Maritime..c'était en 1935...donc ...hier ! Pendant l'été un oncle de mon père vient passer quelques jours à la maison ."Un peu précieux sur les bords" il me faut bien me tenir à table , ce que je fais sans histoire...mais je ne mange pas...J'attends papa qui fait le levain au fournil .L 'oncle Aristide me morigène , (ce que je ne supporte pas entre nous)...."Allons il faut manger Jeannette sinon "le ramponneau" va venir te chercher pour t'emporter" tout en tapant de son poing sous la table! Je tressaille à chaque fois .J 'ai quatre ans ,ne veut ni pleurer , ni manger , j'attends mon père...Maman , grand'mère , grand-père protestent "on ne fait pas peur à une enfant avec des inventions pareilles"..il insiste, tant et si bien que je m'effondre en sanglotant ! Gêné Aristide met fin à son manège,alors que mon père arrive effaré de me voir en pleurs tandis que les coups sourds continuent sans qu'Aristide y soit pour quelque chose ...
Aux interrogations de papa l'oncle tente d'expliquer ces bêtises ce qui ne fait qu'attiser la colère de celui ci...." Allez viens ma puce on va voir tous les deux "..à son cou je n'ai plus peur et me serre contre lui...C 'est en cet équipage que nous montons les escaliers car le bruit qui continue semble provenir de la chambre à farine au troisième étage où je ne vais jamais .Malgré tout mon coeur bat fort..les bruit se précisent ! Arrivés sur le palier le silence est total....sans bruit la porte de la chambre à farine s'ouvre sous la main de papa....Il est tard ,les portes fenêtres grandes ouvertes donnent sur une terrasse... le clair de lune inonde la pièce dont le plancher brille comme un miroir ."Chut" souffle mon père en me posant sur le sol .."regardes fais pas de bruit" me dit il en me montrant de doigt un coin de la pièce! Je ne lâche pas son cou tandis qu'il me tient contre lui , je regarde....deux lumières immenses brillent dans l'ombre...je ne vois qu'elles....mon coeur bat la chamade ... "poum..poum..."surgit de l'ombre un oiseau marchant sur ses pieds de plumes..il est immense pour moi..."poum..poum..poum..."
Il s'arrête face à moi...."broubroubrou.." le chant velouté m'enveloppe , les yeux dans les yeux nous nous regardons je n'ai plus peur ..."Caresses le..il est là pour toi ma chérie c'est un grand duc" murmure mon père..Alors sans aucune hésitations je pose le bout de mes doigts entre le "antennes de soie" les plumes douces sont chaudes sous ma main enfantine. Comme Mistigri mon chat quand il veut des câlins l'Oiseau tend sa tête , cligne ses yeux d'or..fait demi tour , s'éloigne de son pas emplumé...s'arrête un instant au seuil de la terrasse , tourne la tête comme pour me dire aurevoir et dans un froufroutement de satin prend son vol silencieux ! Je ne sais combien de temps nous sommes restés dans la chambre à farine. Nous sommes allés sur la terrasse , la lune sereine naviguait dans le ciel étoilé!
Triomphante je suis redescendue dans les bras de papa , pensez donc un Grand Duc était venu rien que pour moi ! Je n'ai jamais oublié cet "Adoubement" qui un peu plus tard me sera confirmé par Margot la Pie recueillie par mon enchanteur de père et dont elle était follement amoureuse....Mais cela est une autre histoire!